Romans

Un questionnement sur l'enfance, le devenir, la question du mal

Une mouche dans le champagne

Roman
Editions Dédicaces, Montréal

Beauté vraiment fatale, Mali blue est chargée d'un meurtre par un mystérieux commanditaire, Monsieur Molitor. Un bien curieux job pour une jeune femme qui ne se contente pas d'être belle.

Seulement, née en Afrique en pleine guerre civile, et enrôlée comme enfant soldat à l'âge où les filles jouent encore à la corde à sauter, Mali Blue a des comptes à régler avec la vie et... La mort. Mais pas n'importe comment: elle doit sa réputation à une spécialité, celle qui consiste à acculer ses victimes au suicide. Cette fois, la cible est le fils d'une figure notoire de la politique méridionale, récemment disparue, un jeune homme sans envergure, dont rien, a priori, ne justifie, la corde tressée pour le pendre.

C'est en cherchant la faille qui doit le tuer, que Mali Blue déterrera ses secrets. Alors, la mémoire à fleur de peau de l'une, rencontrera celle enfouie de l'autre... Pour le pire.

Dans ce roman, la force et la violence de l'écriture d'Anna Maria Celli rappellent étrangement celles de Artemisia Gentilesch

Izaurinda

Roman
Editions L'Orpailleur



 Sem, a quitté son désert et sa femme enceinte Izaurinda. Comme tous les hommes de sa famille, il est parti afin de vivre autre chose, ailleurs. Maintenant à Paris, il survit selon le bon-vouloir de Goulash, à qui il doit tout et à qui il obéit. Sem fera des rencontres, des individus perdus et enragés contre le monde entier. 


Izaurinda 

Anna Maria Celli


            Dans ce roman, la force et la violence de l'écriture d'Anna Maria Celli rappellent étrangement celles de Artemisia Gentileschi* en peinture. L'une et l'autre ont la douceur angélique dans le regard mais la main ferme et tranchante qui rend le crime admirable.

            Izaurinda est l'épouse de Sem. Mais sa présence dans le récit est le plus souvent en filigrane, c'est-à-dire dans la conscience de Sem qui a quitté la désolation de son village de sable brûlant comme de nombreux hommes avant lui pour un horizon aux limites pesantes. Ce n'est pas un grand causeur Sem ; c'est un homme d'action, un homme qui agit en psalmodiant sa vie antérieure pour nous faire découvrir comment il a échoué à Paris, sur les bords de la Seine.

 Malheureusement l'exil ne fait pas de lui un homme libre parce qu'un pacte avec "le diable" est attaché à ses pas. Dans ce cas, la police devient l'ennemi à éviter à tout prix. Les deux femmes qu'il rencontre dans sa vie vagabonde sont deux êtres éloignés de l'image d'Izaurinda qui l'obsède. Deux femmes qui auraient pu le couver ; mais l'une porte en elle de manière trop forte la déchéance qu'il fuit et l'autre une étrange vacuité qui l'effraie.

Ce roman se révèle être donc la fuite solitaire et taciturne d'un homme prêt à sauver sa vie bien que se sachant condamné par sa mission puis son crime. Une errance douloureuse qui tient le lecteur en haleine l'obligeant à se demander sans cesse combien de crimes le héros devra-t-il commettre pour être enfin délivré ou finir au cachot.

Un roman à la structure simple mais au rythme complexe, brutal et poétique. 
Par Raphaël Adjobi, dans Africultures



SYLVANIE

Roman
Editions Cousu mouche, Genève

 
Sylvanie a tué Max et la torture lente qu’il lui imposait depuis l’enfance. Elle devrait se sentir délivrée, mais peine à se maintenir à la surface de sa vie. La rencontre de William et de ses amis du Cannibale pourrait être une bouée de sauvetage. Ce sera une nouvelle occasion de sombrer.
Entre les neiges d’Archelange, et un Paris des « paumés du petit matin », Sylvanie cherche à sauver son âme, à vaincre son passé, à effacer la brûlure de la robe.
Après le poignant Izaurinda (2017), Anna-Maria Celli nous offre la glaçante descente aux enfers d’une femme qui ne parvient pas à dépasser ses traumatismes.
Un roman âpre au style épuré, parsemé parfois d’échappées poétiques.


Ma main au feu

Nouvelles
Editions Douro


 Depuis deux ans qu’il la fréquentait, Annette s’était toujours montrée adorable et faisait son possible pour lui faire plaisir. Comme Annie, pour être honnête. Pourtant, il avait une impression bizarre. Car sa maîtresse, assise en face de lui, le regardait avec une insistance embarrassante. » Vie des gens, vie des bêtes, de malentendu en frustration, de quiproquo en rêverie, de maladie de la bêtise en remèdes désespérés, Léon, Annie, Annette, Maurice, René, Jacky… les protagonistes des nouvelles d’Anna Maria Celli nous entraînent dans les pièges que recèlent les existences ordinaires. Inexorablement, un engrenage aussi médiocre que diabolique métamorphose en pantins grotesques, parfois émouvants, des personnages qui se débattent, et nous ressemblent un peu… En vain. 

Ma main au feu

Tout com­mence ici avec Adam. Preuve que si le pre­mier homme avait comme père Dieu, sa mère fut pro­pice à l’inceste le plus libi­di­neux.
Le fis­ton dîne avec elle cachant d’abord l’indécence des vaga­bon­dages éro­tiques qu’elle lui ins­pire avant que tout devienne plus concret dès qu’il dis­tingue sa culotte sous ses longues jupes de fla­nelle grise.
Mais elle n’est pas la seule à créer des déman­geai­sons dont seule la main a rai­son. Anna Maria Celli fait suc­cé­der divers types d’amants poten­tiels prêts à tout. Qu’importe si sous leur par­fum, «Ely­sée», cer­taines égé­ries sentent le vieux, le moisi.
D’autant que c’est sou­vent dans les vieux pots que se mitonnent les meilleures confi­tures même si les héros (fati­gués ou ona­nistes) font tout — sauf le néces­saire — pour s’en débarrasser
Le train est pro­pice tout autant au liber­ti­nage. Et les per­son­nages le cas échéant ne s’en privent pas. Et il n’est pas jusqu’au galo­pin aban­donné tel un Petit Pou­cet dans un bois de pous­ser ses inves­ti­ga­tions voire son exas­pé­ra­tion jusqu’à un point où la petite mort est rem­pla­cée par la grande.
Mais les fan­tasmes ne s’arrêtent pas là, tra­ver­sant les conti­nents cer­tains incon­ti­nents s’abandonnent soit à la for­ni­ca­tion, soit faute de pré­sence ou par besoin de soli­tude à un stupre plus masturbatoire.
Mais c’est bien, Anna Maria Celli qui n’y va pas de main morte. Et celle-ci — mais bien bien vivante — garde sou­vent le der­nier mot contre les maux et pour le plai­sir dans ces his­toires d’ultimes outrages. On croit y recon­naître par­fois des clones de l’illustrateur (et direc­teur de col­lec­tion) du livre — sous le nom de Jack entre autres. On se trompe peut-être. Sans doute même…
Mais si l’es héroïnes comme leur auteure ne recherchent pas for­cé­ment les situa­tions sca­breuses, elles ne veulent pas pas­ser à ses yeux pour une petite pro­vin­ciale coin­cée. Au lec­teur de lire et voir ce qui peut se passer.
jean-paul gavard-perret
Anna Maria Celli, Ma main au feu, illus­tra­tions de Jacques Cauda, Edi­tions Douro, Paris, 2023, 106 p. — 18,00 €.