Mes expos
Cicatrices : Yene, Sénégal, Institut Panafricain, Avril 2015
Balagane : Au 100 Charenton, Paris, juillet 2021
Onomatopées spéculaires : Equipages, Paris, mars 2022
Cryptographies jaculatoires : L’Officine, Paris, Février 2023
Battements d’îles : Bibliothèque Deshaies, Mars 2023
Induction/Art-Matrice : Bourg, juillet 2023
FESTIVAL INDUCTION 2023
PART 2 à Blaye
Les Stantari projetés sur la scène de l'Art-Matrice et fiers de l'être
L'Art-Matrice
L'ART-MATRICE aspire à rappeler à chacune et chacun que les épreuves peuvent se transformer en sources de puissance et de renouveau. Il s'agira toujours de transformer nos blessures en chances de vie...
Orages sur Blaye
Valentine Cohen (Mata-Malam)
"Il y a maintenant 1 semaine, nous avons présenté L'ART-MATRICE au Festival Orages, qui s'est tenu à la citadelle de Blaye.
Ce spectacle novateur a fusionné la danse, le théâtre, le chant, des citations inspirantes ainsi que les magnifiques peintures Anna Maria Carulina Celli, créant ainsi une expérience artistique inoubliable.
Les acteurs, dont Valentine Cohen, Eric Delphin Kwegoue, Ornella Mamba et Milena Kauffmann, ont célébré la résilience humaine.
Cicatrices, Yene, Avril 2015
A l'origine de ce projet :
Amadou Elimane Kane, mon ami, poète, écrivain, éditeur, enseignant et chercheur dans le domaine des sciences cognitives
Debora Stein, mon amie, artiste plasticienne
Et moi... Sur les traces de l'invisible.
Le lieu : L'Institut Culturel Panafricain, situé à Yene, village à quarante kilomètres de Dakar au Sénégal.
Cicatrices...
L’étymologie renvoie à un bandage d’écorchure, et porte en elle-même le problème et sa solution. Par la cicatrice, le corps physique manifeste sa capacité de résilience. Nous pensons que le corps social aussi est capable d’entrer en résilience. D’après Boris Cyrulnik, quand un vase est fêlé, on remet les morceaux mais il reste une mémoire de la blessure. Une trace. On ne s’adapte pas au choc.
On invente de quoi redémarrer. On fait mieux.
Sur le plan social, la résilience est conçue comme une construction collective sur le long terme. Elle renvoie à l’émergence d’un nouveau système, lorsque l’ancien est atteint de manière irréversible.
En 2015, du 30 novembre au 10 décembre 2015, la France accueillera la COP21, la 21ème Conférence des Nations Unies sur le changement climatique. Son objectif est d’engager tous les pays dans un accord visant à contenir le réchauffement à 2 degrés Celsius d’ici 2100.
En tant qu’artistes, femmes et surtout en tant que citoyennes, nous sommes concernées par la question la plus brûlante du XXIe siècle, le bouleversement climatique et ses conséquences. Face à ces enjeux, le processus créatif est et sera notre outil pour rêver un monde meilleur aussi bien dans une dimension individuelle que collective, et peut-être, ouvrir des possibles.
Toutes et tous, nous avons des "énergies non polluantes" en sommeil. Notre défi : accompagner leur émergence. Avec nos créations, nous allons investir des espaces physiques et des espaces inventés.
Faisons surgir une autre vision de ce qui est perçu comme des évidences : les lieux envahis par l'eau et abandonnés, les migrations humaines liées au réchauffement de la planète, la gestion des déchets, l'eau et ses ressources, le gaspillage au quotidien.
A notre échelle, nous portons le projet d’accompagner la jeune génération et les adultes dans un processus de développement de leur imaginaire critique. Héritiers de la planète : ils seront en charge de sa gestion. Il s’agit de promouvoir la responsabilité de chacun vis-à-vis de lui-même et des autres.
« Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »
Pierre Rabhi, la légende du colibri
Nous incitons à regarder, à comprendre, à mobiliser l’opinion autour d’une vision du monde positive et durable, mais surtout, à nous interroger.
Notre projet se décline suivant plusieurs axes, déclinés en ateliers mis en œuvre à l’Institut Culturel Panafricain de Yene au Sénégal, que nous souhaitons reproduire avec d’autres publics des cinq continents.
1) Chantiers de récupération
Ateliers de récolte d’objets quotidiens dans l’environnement (cannettes, sacs plastique, coquillages, bois, os, emballages, tissus, etc. )
Sur le chantier, chaque participant sollicite sa conscience écologique, travaille son sens de l’observation et son sens créatif. Ici, de petits groupes de cinq enfants ou jeunes, menés par un encadrant, un étudiant, arpentent le rivage du village de Yene, au Sud de Dakar, à la recherche d’objets susceptibles d’être « retapés », bichonnés, détournés, pour entamer une nouvelle existence.
L’objectif de cet atelier consistait dans la fabrication de sculptures mobiles.
Un dialogue est mené pour sortir du rejet du déchet et poser sur lui un œil créatif. Ce dialogue aborde, dans le même temps, la question des habitudes néfastes pour l’environnement de se débarrasser sauvagement des détritus.
Les différentes collectes sont rassemblées, chaque groupe rivalisant de ses trouvailles.
2) Création d’objets avec ces matériaux récupérés (sculptures mobiles, collages sur toile, bijoux, vêtements, mobilier urbain, etc.)
Le « déchet » abordé par un détour esthétique nous fait prendre conscience du gaspillage que ce déchet révèle. Parce qu’ils ont une histoire, les matériaux récupérés revêtent des stigmates, des traces, une mémoire. Parce qu’ils font l’objet d’une transformation, ils emportent des récits en creux, invisibles, vers l’avenir. Le fait que la collecte s’opère dans des lieux comme les bidonvilles met en parallèle le déchet/objet et l’humain traité comme un déchet. Grâce à l'imagination de nos recycleurs en herbe, meubles et objets peuvent bénéficier d'une seconde vie.
Ici, sous le regard des étudiants encadrants des groupes d’enfants, avec les déchets de l’atelier de récupération, trois groupes composent des sculptures mobiles, deux ont transformé des os et des coquillages en bibelots destinés à la décoration intérieure et extérieure de l’Insitut Culturel de Yene.
3) Ateliers de reportages photographiques en liaison avec les questions environnementales
Un repérage des lieux est effectué par les intervenants. Une discussion confronte les participants (un groupe de quatre à huit personnes) visant à élaborer en commun les critères de prises de vue sur la base des questions environnementales et d’une recherche esthétique). Le groupe est conduit sur un site choisi et prend des photographies. Un choix est opéré parmi les différents clichés par le groupe.
A partir des images sélectionnées, un travail d’évocation est mené sous la direction des intervenants. Les mots qui émergent sont collectés. Ainsi, les images sont retravaillées avec les mots et d’autres matériaux (peinture, cire, collages etc.)
4) Ateliers d’écriture
Pour les participants, mise en mots du ressenti, poétique et graphique.
Six groupes d’élèves de collège et de Lycée de Yene, dirigés par Anna Maria Celli et Debora Stein, encadrés par des étudiants de l’université de Dakar vont mener un travail d’écriture et de composition plastique avec des productions écrites, sous forme de textes poétiques. Deux groupes travaillent plus particulièrement à la réalisation de tableaux, tandis que les quatre autres écrivent. Ces ateliers sont naturellement tournants. Le support des tableaux provient de sacs de riz et de sacs d’oignons préalablement achetés dans des épiceries locales.
5) Création de travaux plastiques, de collages, écriture sous forme de rouleaux de récits.
Elaboration de textes où devenir de la planète et mémoire(s) sont mis en relation, puis appliqués suivant diverses techniques sur des rouleaux. Le rouleau comme parchemin, évoque le sacré. Les peintres chinois et le Japonais avaient l'habitude de peindre sur des rouleaux, qu’ils gardaient fermés et n’étaient ouverts qu’à titre exceptionnel. Et avec beaucoup de valeur. Dans d’autres cultures encore, comme chez les Juifs, ils renferment des textes sacrés, uniquement dévoilés lors de cérémonies.
6) Création d’histoires à la manière des mythes, racontant la terre, de manière ludique et sensible.
A partir d’un canevas de narration propre aux mythes, un atelier d’écriture de mythes en relation avec le devenir de la planète est mené avec des enfants d’école primaires ou de collèges. Les productions sont illustrées et font l’objet d’une publication sous forme de livres papiers, livres-objets présentés lors d’expositions locales, à la fois pour stimuler l’investissement personnel des participants et sensibiliser le public.
Cicatrices : Yene, Sénégal, Institut Panafricain, Avril 2015
Des portes ouvertes sur l'océan. Je regarde. Et j'entre dans le paysage. Je vague et divague. Je disparais.
Traverser les mondes.
Désir. Partir. Revenir. Désir.
Les marques du temps comme langage.
Des chiffres
Des êtres
BALAGANE
100 CHarenton
Paris 12e
Juillet 2021
« L’autre c’est moi » BALAGANE 2020-2021 Exposition au centre d’art 100 Charenton 1-28 Juillet 2021
« L’autre c’est moi » BALAGANE
2020-2021
Exposition au centre d’art 100 Charenton 1-28 Juillet 2021
A l'initiative de Debora Stein, artiste plasticienne
Balagane : éparpillement, désordre, embarras. « Bordel ». Une chambre mal rangée c’est une Balagane, une situation compliquée ou extrême peut se dire une Balagane, etc. Un mot souvent suivi par un autre : Réparation. La Balagane peut se réparer, c’est un mot en mouvement. Le désordre de « Balagane » permet d’avancer. * A l’origine, Balagane est un mot Perse qui veut dire « dans le grenier ». Ce dernier s’est retrouvé dans le vocabulaire turc au fil des siècles avant d’arriver en Palestine, début XXème siècle, suivant l’immigration des Juifs sur le territoire. Depuis ces jours, le terme est utilisé en hébreu dans le langage courant.) Nous avons choisi le centre d’art « 100 Charenton » pour créer cet évènement car c’est un lieu solidaire, inscrit dans son quartier. Un espace généreux, de mixité et de partage. Un îlot d’échanges. Notre monde ne sait plus reconnaître l’étrange, l’étrangeté, l’étranger. Celui qui n’a plus de terre : l’exilé.
De toutes ces réflexions, est né ce projet entre deux artistes : Debora Stein, peintre et Anna Maria Celli, auteure. Notre volonté : faire le « bagalane » ensemble autour du thème « L’autre c’est moi ». Un parcours sur un sujet d’actualité.
Enfant, adolescente, je dessinais, coupais, collais, modelais. Et puis, j'ai eu un mari, des enfants, un travail et j'ai oublié pendant très longtemps le travail de la matière sensible. J'ai écrit, beaucoup écrit. Cela a duré de longues années où j'explorais le domaine de l'écriture. Un jour, Debora m'a sollicitée pour intervenir par les mots sur ses œuvres. Je me suis retrouvée devant des tableaux que je craignais de profaner par mes propositions plastiques. Alors, sous les encouragements bienveillants de Debora, j'ai tenté des expériences de mon côté et retrouvé le plaisir des mains qui se trempent dans la peinture, déchirent et tortillent le papier, essaient des couleurs, donnent du relief à des formes, écrivent par les images. Cette aventure ne s'est plus arrêtée. Balagane a été, pour Debora et moi, l'occasion d'exprimer nos présences différentes, notre collaboration et notre amitié.
Onomatopées spéculaires
Lever l’ancre des mots, les laisser se briser, faire taches, éclabousser le papier, Anna Maria Celli, autrice, lâche sa plume. Elle abandonne ses mains à la croisée du dire et du faire. Déchirer, coller, coudre, peindre, tordre, caresser afin d’approfondir l’écriture. Multidirectionnels, heurtés, libres ou contraints, les flux de couleurs, matières et signes effectuent une plongée dans « l’espace du dedans ». La charge sismique de la graphie trace des sillons venus des racines du monde se muant en ramifications, en figures de vie. Pétris de l’univers des contes, riches d’une mémoire profonde et collective, de textes poétiques, de morceaux de journaux intimes, vieux livres, trouées noires, visions oniriques ou méditatives, les « poèmystères », comme elle les nomme, explorent les lieux premiers où pensée et matière constituent encore une unité. Le mot y est à la fois image, acte et volonté.
Onomatopées spéculaires
La grande nouveauté, ce sont les livres d'artiste mis à disposition au public dans la librairie, leur écologie d'évidence.
Sur les conseils avisés de la plasticienne et amie Debora Stein, je quitte le rouleau pour aborder les pages d'un livre, de plusieurs livres que je transforme au cours de mes récits intérieurs, mes contes faits et défaits, au gré des doigts, des émotions, d'un oiseau de passage, d'une parole tombée, d'un mot qui tinte dans le lointain, d'un souvenir surgi.
La composition de ces ouvrages uniques est un envoûtement. Une fois commencé, ils doivent être terminés, peu importe les heures, l'énergie, la transe que leur fabrication provoque. Il faut qu'à chaque page, une surprise visuelle, émotionnelle ou intellectuelle soit délivrée.
Je dois reconnaître qu'ils sont la partie de mon travail plastique qui interpelle toujours le plus grand nombre de visiteurs, et emporte leur désir de toucher les pages. Je les invite à se réjouir du bout des doigts à satisfaire leur faim tactile. Ces livres sont faits pour cela.
J'envisage une expo où il n'y aurait que ces livres en relief, ces pop-up excentriques. Pour cela, il me faut encore du temps, du travail pour pouvoir présenter une collection suffisamment nombreuse.
Cryptographies Jaculatoires
Cette expo est née de ma rencontre avec Claire Cecchini, "compatrîlienne", comme elle me l'écrit, sujette aux jeux de mots oulipiens comme elle l'est. Dynamique, la tête remplie de projets. Toujours en quête d'expériences et de rencontres nouvelles, Claire m'a ouvert sa galerie, à deux pas de chez moi, rue des Maronites, à Ménilmontant.
L'expo qui devait se nommer au départ Ut'Eros, montre ma série d'utérus habités. La légende selon laquelle le sac d'une femme est toujours plein de tout et n'importe quoi s'y vérifie.
Ut’Eros & Thanatos
Scènes Primitives
« Je me suis demandé si tout le monde ne me prenait pas pour un sac. Et j’ai commencé à aller mal » (Busnel M.-C., Frydman R., Szejer M. et Winter J.-P., 2010, p. 57).
Du gynéco au bourreau éventrant des femmes enceintes, le mystère de l’utérus attire la curiosité de l’œil : que se passe-t-il dedans ? Au-delà de l’objet réaliste de la curiosité que suscite la matrice, la marmite où se concocte la vie, une pulsion scopique m’a amenée à visualiser l’utérus onirique, celui de la mémoire, du désir, des fantasmes, des contes de fées.
Sac de magie blanche ou noire et des métamorphoses, l’utérus se décline à l’infini selon des explorations où se rejoignent les murmures de l’organique, les couleurs de la mémoire, les apparitions surgies des songes.
Battements d'Îles
Deshaies MArs 2023
Je fréquente des écritures poétiques sur les réseaux sociaux, des découvertes, des affinités. Ainsi je connais depuis des années, par ses écrits, Thierry Mathiasin, un poète et plasticien dont la puissance d'évocation de ses textes me bouleverse. D'échange en échange, de fil en aiguille, voici que s'organise une expo commune à Deshaies, en Guadeloupe où je suis conviée, à la fois pour mon travail plastique et des lectures de poèmes. Je découvre une autre île de beauté, faite de couleurs chatoyantes et de luxuriance. Un pays qui est un tremblement de terre et d'âme. Grâce à Thierry, je me promène dans des corps et décors inoubliables. Finalement, même à mon retour à Paris, il fait très froid ce jour-là, je n'en reviens pas.
J'aime évoquer ces paroles de Thierry qui reflètent les moments de partage en poésie passés sur l'île et notamment à Deshaies.
"Avec tout ce que j'avais perçu d'intense dans ton écriture, de mondes incroyables, de source intarissable, charnelle et tellurique,
je peux dire suite à notre rencontre, entre deux battements d'îles, que tu es la poésie incarnée à chaque instant, tout est matière brûlante sous ton regard, pays rêvé, pays réel par ta capacité à transformer, à écouter le bruissement de toutes choses, mettre en mouvement toutes les mémoires qui te constituent, la voix de leur silence, entre enfouissement et jaillissement.
Un site, comme un long chemin de tremblements et d'émotions qui nous émeut dans ses moindres dénivellations, paré de ce mystère qui fait la beauté envoûtante de toute grande poésie, multipliant les traversées sans jamais nous contenter d'un seul chant, saisissant, dans la magie époustouflante de son souffle.
Merci infiniment d'avoir croiser ton chemin de poésie, une aventure sans fin, pour le pays qui nous ressemblent, notre matière commune.
Alors, j'invite tout le monde à saluer, à aimer comme il se doit ton immense pays."
Thierry Mathiasin
Thierry Mathiasin
Né à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) en 1967, Thierry Mathiasin a passé son enfance et grandi à Deshaies. Diplômé des Beaux-Arts du Havre en 1993, il enseigne les arts plastiques en collège. Il a publié plusieurs volumes de poèmes et un roman, L’Enragé suivi de Le Monstre du Maroni.
La rivière
Toujours
Je ne ferme jamais les yeux
Deux trous en plein visage
Où se larguent le soleil
Ses cailloux de feu
Ses éclairs de jouissance
Je crève par soif d’éclipses
Je crève de mes morts
De mes renaissances
Perforée
Graines de jungle en pleine face
Forêts à ciel fermé
Où des bêtes fauves sommeillent
Par la magie de mes poèmes
Loup y es-tu ? Tigre jaune ? Efflorescences carnivores ?
Requin des terres ? Amanite fardée ?
Tu y es
Je sais où te trouver
Toujours au fond de l’œil
De biche qui ne dort pas
Des chats sauvages armés de griffes
Qui te reniflent
Je ne ferme ni les yeux ni le flair
Je suis l’insomnie du regard
Et je te vois feindre le jour dans la nuit noire
Dans ta plainte de nouveau-né
Les hurlements d’un loup aguerri
Dans la hurlée de l’animal
Le sanglot d’un petit volé à sa mère
Les paupières écartées
Des vagissements de l’aube
Aux rêves du soleil
J’écoute sur les feuilles tombées
Le pas secret des fantômes
Qui se rapprochent de moi
Je veux vous voir rassemblés
Sous les lueurs de mes trous noirs
Rendre vos masques blancs
Quand vous m’emporterez
Anna Maria Celli
C'est parce que tu l'aimais au bord du précipice que ses mains nues essaimaient des cris d'aigles, que son ventre t'offrait sa vallée de lumière, ses lèvres retenant la terre de ton souffle de volcan
C'est parce que tu dansais au bas de ses reins que le soleil se levait, la rivière débordait le long de ses cuisses, cheminait vers la voix soutenue des lianes et qu'elle portait sur ses épaules une fleur d'eau lascive
La source était le plus fragile visage de votre audace, la plus intime de vos traces sur les pierres charnues de l'extase, la coulée la plus violente de vos veines
C'est parce qu'elle t'aimait aux flancs de tes folies que ta langue flamboyait sous les feuilles de son sourire, en tournoyant dans la touffeur des mots pour en extirper la lave précieuse du rêve
C'est parce qu'elle crie que le vertige te ramène souvent au seuil de l'absence et déterre le squelette de ton mal de vivre
C'est parce qu'elle était lasse de se cogner aux rideaux de larmes, qu'elle s'est renfermée dans un théâtre de mémoires perdues, que la nuit a fini par dévorer ses yeux dans l'insensé du monde
La source s'est transformée depuis en une longue racine de vos deux corps noués dans l'embouchure d'un tremblement partagé, dans la vibration d'un poème que seul l'indicible pourra clore
C'est parce qu'elle se mourait de te voir aussi triste de gravir ces amas de ciel dont tes oiseaux ont fait leur pitance, de chercher désespérément dans tes gestes la caresse qui vous rendaient si vivants, retrouver cette ardeur si touchante au jour de vos premiers émois
C'est parce que plus rien ne ressemblait au temps d'avant, qu'il était si difficile de prier pour réfréner cet orage qui allait vous perdre inéluctablement dans une nostalgie sans fin, dans ces lieux de perdition d'où ne reviennent jamais que les fantômes
Thierry Mathiasin
Induction
Les Stantari
Festival, Bourg, juillet 2023
Entre Valentine, la rencontre fut improbable, ce qui montre qu'elle devait avoir lieu. C'est un pouls entre les textes, la mémoire, les amours, et une grande envie de faire ensemble dans l'Art-Matrice.
Valentine Cohen est d'abord la metteuse en scène de la pièce que j'ai co-écrite avec mon compagnon Léandre-Alain Baker. Une pièce qu'elle porte avec énergie jusqu'en Afrique, jusqu'en Italie. Elle est ensuite une intelligence vive, un coeur vaillant, une femme de bonne volonté qui donne envie de la suivre dans la construction d'un monde de l'homme pour l'homme, c'est-à-dire, un monde où la puissance du féminin propulse l'humanité vers ce qu'elle a de fécond en partage, en douceur, mémoire(s), en amour.
La douceur est une puissance.
Valentine, c'est aussi une sensibilité à fleur de peau, un travail exigent, un regard pour chacun et pour tous.
Alors, quelle joie de faire partie de ce festival où la qualité, le partage et la joie nous ont été offerts à profusion. Je pense à mes rencontres ou retrouvailles avec Nadège Prugnard, Mercedes Sanz-Bernal, Ornella Mamba, Yoshi Oida, Marie Mercal, Milena, Kerstin Ortmaier etc.
C'est donc à Bourg sur Gironde qu'il m'a été donné de présenter pour la première fois ma série "Stantari"
L'Art-Matrice
Le "Nous"de l'Art-Matrice
Des rencontres, des échanges, des partages, des graines pour l'avenir
Valentine Cohen
La mère du festival
Directrice de la Compagnie Mata-Malam
Une force de la nature
Un volcan de culture
Stantari
Les statues-menhirs corses constituent une particularité au sein de l’art anthropomorphe néolithique et protohistorique. Après les recherches qui les firent connaître et fixèrent le cadre de leur étude (1955‑1975), on peut considérer qu’un état des connaissances d’étape a été établi pendant les années 1990. Depuis, leur étude a toujours été l’objet d’un grand intérêt ; leur inventaire a été complété, les descriptions ont été formalisées et la fouille de plusieurs sites intégrant des pierres dressées a permis de renouveler les connaissances relatives à leur chronologie et à leurs contextes d’implantation.
Les pierres dressées connaissent une évolution au cours de laquelle on assiste au passage de la longue pierre sans caractère particulier, à la stèle brute, à la stèle aménagée puis aux statues-menhirs. Cela peut correspondre aux propositions de Roger Grosjean et à l’évolution de sa typologie morphologique (Grosjean 1959a, 1966a, 1967), cependant cette évolution n’est pas linéaire ; les différents types apparaissent successivement, mais il n’y a pas remplacement d’un type par un autre. Ainsi, le site de I Stantari, et en particulier sa file principale, intègre les différentes natures de monolithes : menhir brut, stèle régularisée, stèle armée, statue. Cette évolution peut être comparée à celle reconnue en Sardaigne (Atzeni 1994, 2004a et b) qui présente un aboutissement différent avec l’apparition de statues-menhirs à la fin du Néolithique. Des découvertes inédites laissent cependant supposer qu’il existe également en Sardaigne des statues comparables à celles de Cauria.
L’ensemble monumental de I Stantari comporte trois files de pierres dressées dont deux seulement nord/sud ; la troisième, la plus longue (dite file principale), à l’ouest, également sensiblement nord-sud, est en arc de cercle . Les trois files sont adossées à l’enceinte dont elles constituent un des côtés. Faces vers l’est, elles sont implantées sur une légère pente dans cette direction. Le terrain a été adapté au monument avec l’édification sur la pente d’une « terrasse-podium » en gros blocs. La file principale constituée de monolithes plus grands est également la plus haute topographiquement, elle intègre des statues et des stèles armées. Les deux files secondaires, vers l’est, sont donc plus basses et étagées sur la pente. Ce dispositif constitue une mise en scène qui accentue la frontalité orientée du monument. Les deux statues de la file principale sont de hautes tailles, un peu plus que celle d’un individu. Elles figurent des guerriers barbus, casqués et cuirassés ( ?), armés de longues épées suspendues à un baudrier et portant un écu ou un pagne (fig. 5) (Grosjean 1964, 1966b, 1968). Les faces à l’est représentent un guerrier vue de face et les faces ouest représentent une verge en érection vue de dessus, réaliste et explicite. On remarquera que ces statues n’ont jamais fait l’objet d’analyse prenant en compte ce double symbolisme viril et sa signification.
(Article André d'Anna, Les statues-menhirs de Corse : chronologie et contextes, l’exemple de Cauria (openedition.org))
Les Stantari et moi ?
Pierres, dards et corolles, orée du songe
(Titre d’après Roger Caillois)
« Je suis tombé en arrêt devant les fascinantes statues-menhirs. »
Pierre Soulages
S’agit-il de divinités, de défunts, de dignitaires ?
Monolithes du néolithique, les « Stantari », « pierres dressées » de l’Île de Beauté, sont des œuvres gravées entre le premier et le troisième millénaire avant JC sur le territoire insulaire. Stèles parfois brutes, d’autres à figure humaine, souvent disposés en file dont l’orientation reste un mystère.
« Ces pierres venant de loin allaient loin en moi » expliquait Pierre Soulages. Également envoûtée par la force d’évocation toujours présente des pierres dressées sur l’île de mes aïeux, et peut-être mue par leur énergie, je me suis senti appelée à m’inscrire dans le fil mémoriel émanant de leurs corps sentinelles, de leur expression puissante et énigmatique.
Chaque tableau est l’occasion d’affronter les questions philosophiques, les angoisses du psychisme, l’espoir des métamorphoses, un vœu d’unité entre le féminin et le masculin. Explorant librement toutes sortes de techniques et de styles, mon travail inspiré des « Stantari » est l’opportunité pour l’œil du spectateur de participer à une traversée originale des ponts entre la matière et l’énergie. Les images constituent une porte ouverte sur des univers en millefeuille. Chaque espace s’annonçant comme un palimpseste que le regard découvre et renouvelle. L’œil mais également la main : le visiteur est invité à toucher les images, à sonder l’œuvre du bout des doigts. Mes « Stantari » semblent murmurer « Touche-moi ! »
Mes Moires
Haute Mère
Présents d'été
Festival Induction
Découverte de l'acteur Yoshi Oïda. Homme près. Homme loin. Emerveillement.